# LE SOUDAN CENTRAL ET DURBI TAKUSHEYI (XIVe/XVe siècle)

À l’est du coude emprunté par le fleuve Niger, le Soudan central s’étend jusqu’au Lac Tchad et son vaste bassin, qui alimentaient les habitations sédentaires depuis le premier millénaire avant J.-C. Comme au Soudan occidental, les populations du Soudan central s’investirent dans le commerce transsaharien à l’époque médiévale. Les routes qui passaient dans la région liaient l’Égypte et le fleuve Niger, soutenant une économie renforcée par le commerce dans plusieurs directions.

Durbi Takusheyi, au cœur du Soudan central, est située à mi-chemin entre le fleuve Niger et le Lac Tchad. Les premiers documents sur les royaumes haoussa, qui finiraient par dominer la région entre le seizième et le dix-neuvième siècle, y ont été retrouvés. Des sépultures ainsi que du mobilier funéraire somptueux ont été retrouvés parmi les fouilles de Durbi Takusheyi, et attestent d’interactions internationales.^{<a href="/references/">33</a>}

Contenu des tombes 7, 4 et 5 du site de Durbi Takusheyi, Nigéria. Dessin de Vera Kassühlke, Römisch-Germanisches Zentralmuseum, Mainz, d’après les notes de terrain de Gerhard Liesegang, 1992.

Baguettes découvertes dans des tombeaux du XIVe siècle, à Durbi Takusheyi, Nigéria. Laiton. National Commission for Museums and Monuments, Abuja. Photographie par Volker Iserhardt

Ces longues baguettes de cuivre furent enterrées à l’intérieur d’une tombe appartenant à un membre de l’élite, à Durbi Takusheyi, avec d’autres objets en alliage de cuivre produits localement et importés du nord du Sahara. Le cuivre était un matériau convoité dans le commerce transsaharien, et était extrait de sources présentes au Sahara et en Europe. Le cuivre était transporté au sud, à travers le Sahara, pour être échangé contre de l’or. Cet échange est décrit par Ishaq Ibn al-Husayn’ à la moitié du dixième siècle: « Leur pays (le Soudan) contient beaucoup d’or, mais les habitants là-bas préfèrent le laiton à l’or. »^{<a href="/references/">34</a>}

Les origines des métaux alliés pour faire ces baguettes ne sont pas claires. Cependant, une analyse isotopique préliminaire des lingots et des objets en alliage de cuivre moulés à Durbi Takusheyi indique la présence probable de sources en France, sur la péninsule ibérique et au Moyen-Orient.^{<a href="/references/">35</a>} De fins lingots de cuivre en forme de baguette datant du onzième et treizième siècles ont été découverts à Ma’den Ifajen en Mauritanie, et à Natamatao au Mali.^{<a href="/references/">36</a>}

Des fouilles récentes à Tamdoult, au Maroc, menées par une équipe maroco-britannique (Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine/British Museum) ont dévoilé des fragments de moules ayant produits des lingots d’une forme similaire à celle de ceux retrouvés à Durbi Takusheyi.^{<a href="/references/">37</a>}

Bol mamelouk (à gauche) et deux seaux (à droite) découverts à Durbi Takusheyi.
Bol: provenant probablement d’Égypte, fin du XIVe/XVe siècle. Laiton, 15,7 x 41,1 cm, seau (à droite, au fond) : provenant probablement d’Égypte, fin du XIVe/XVe siècle. Laiton, 15 x 16 cm, seau (à droite, devant) : provenant probablement d’Égypte, fin du XIVe/XVe siècle. Laiton, 15,5 x 18 cm. National Commission for Museums and Monuments, Abuja, Nigéria. Photographie de René Müller, Römisch-Germanisches Zentralmuseum, Mainz

Ce bol mamelouk, conçu en Égypte ou en Syrie, a été retrouvé dans une sépulture à Durbi Takusheyi, au Nigéria. Les motifs décoratifs et l’inscription en arabe qui entourent le bol étaient initialement incrustés d’or et d’argent. À l’intérieur se trouvaient cinq bijoux en or, probablement importés de la région du Soudan occidental, ainsi que des coquilles de porcelaine, du laiton et des bracelets en argent.

Sous le sultanat mamelouk, une telle vaisselle était conçue par des ferronniers spécialisés, les nahassin, et était destinée à l’élite de la société en tant que pièces d’exposition spectaculaires et offrandes diplomatiques. Plusieurs bols en cuivre de la période mamelouke ont également été conservés dans des sanctuaires au nord du Ghana, à l’ouest de Durbi Takusheyi. Ces objets sont des preuves du commerce actif de biens de luxe au Sahara, pendant le sultanat mamelouk (1250–1517).

Pour voir un exemple d’un bol Asante plus récent, inspiré de la forme des bols mamelouks, [cliquez ici](/fr/works/48/).

Bijoux provenant du tumulus 7, Durbi Takusheyi, Nigéria, XIIIe/XVe siècle. Or, largeur maximale 3,2 cm. National Commission for Museums and Monuments, Abuja, Nigéria. Photographie de René Müller

Ces cinq bijoux en or massif ont été retrouvés dans un grand bol mamelouk provenant d’Égypte ou de Syrie, enterrés aux côtés d’un individu au statut social élevé qui portait également des bracelets en ivoire, en argent et en alliage de cuivre, un collier en cornaline et une ceinture brodée abondamment ornée de perles. Les techniques de travail de l’or utilisées pour confectionner les bijoux de Durbi Takusheyi confirment les liens commerciaux d’Afrique de l’Ouest.

Le pendentif circulaire, composé de cinq cabochons en forme de dôme, rappelle des techniques utilisées pour fabriquer un pendentif nommé le Pectoral de Rao, au Sénégal, alors que les boucles d’oreille rappellent l’argenterie Amazigh du dixième siècle.