# DES ÉCHOS SAHARIENS

Un homme allant au marché à dos de dromadaire dans la région d’Agadez au Niger central. Photographie de Cynthia Becker, 2009

Des échos du passé peuvent émerger de la culture visuelle moderne du Sahara et de l’Afrique de l’Ouest. Bien que les découvertes archéologiques, les textes médiévaux en arabe et les récits oraux représentent d’importantes ressources pour comprendre le passé de l’Afrique, ils nous apportent peu d’informations sur la vie quotidienne dans le désert du Sahara à l’époque médiévale. En l’absence de sources historiques critiques, il est utile de se tourner vers des ressources plus récentes et vers les pratiques culturelles des peuples Imazighen du Sahara. Un bon nombre d’entre eux ont des liens durables avec le passé, et permettent donc de mieux l’imaginer.<a href="/references/">³</a>

Cette section retrace les origines des pratiques culturelles, des formes, et des motifs décoratifs présents sur les bijoux, sur la maroquinerie et sur les textiles du Sahara et de son arrière-pays à l’époque médiévale.

Selle de dromadaire (tarik ou tamzak), touareg, Sahara algérien, date inconnue (probablement XXe siècle). Cuir, cuir brut, bois, parchemin ou vélin, laine, soie, métal étamé, métal laitonné, fer, alliage de cuivre, et peau de guépard, 75 x 71 x 46 cm. Peabody Museum of Archaeology and Ethnology, Harvard University, Cambridge, Massachussetts, don de la succession du Dr. Lloyd Cabot Briggs, 1975, 975-32-50/11927. Photographie © President and Fellows of Harvard College, Peabody Museum of Archaeology and Ethnology

Selon les historiens, avant que la domestication du dromadaire ne se répande durant les premiers siècles de notre ère, le commerce et les échanges transsahariens étaient assez rares. Le dromadaire est l’animal idéal pour les déplacements dans le désert saharien : il transpire peu, même par des climats désertiques arides, et peut économiser son eau corporelle pendant de longues périodes.^{<a href="/references/">4</a>} Grâce aux dromadaires, les Touaregs et autres peuples Imazighen du Sahara pouvaient se déplacer et porter des charges lourdes. Par conséquent, ils contrôlaient autrefois les routes caravanières qui s’étendaient à travers tout le désert.

L’élevage constituait la base de leur économie, qui était complétée par le commerce du sel. La noblesse chez les Touaregs dépendait des artisans capables de produire du bois, du métal, et des denrées en cuir, comme cette selle.^{<a href="/references/">5</a>} Cet exemple est abondamment décoré, et ne peut donc pas avoir servi lors de longs déplacements. Lors de sa fabrication, une structure de bois fut recouverte d’un cuir teint et travaillé. Le pommeau et d’autres parties furent décorés avec des ornements métalliques aux motifs géométriques.

Dessin d’un guembri. Reproduction de Georg Hjersing Høst, Reports on Morocco and Fes (Efterretninger om Marokos og Fes: Samlede der i Landene fra ao. 1760 til 1768). Copenhague : N. Möller, 1779. Melville J. Herskovits Library of African Studies, Northwestern University, Evanston, Illinois, DT308.H83 1779. Photographie de Clare Britt

Depuis le dix-neuvième siècle au moins, le terme gnaoua fut utilisé au Maroc pour désigner les descendants des peuples asservis du Soudan occidental. Le terme est aujourd’hui associé aux marocains noirs qui organisent des spectacles sur les places publiques et dans des salles de concert. Le guembri est l’instrument de musique le plus prestigieux des Gnaouas. Ce dessin représentant un guembri provient du récit des voyages au Maroc de l’homme d’affaire et diplomate danois Georg Høst.

Le récit fut publié en 1779. C’est la première fois qu’un guembri est mentionné dans la littérature européenne. L’instrument pourrait être une variante d’un instrument utilisé à la cour de l’empire du Mali, décrit par Ibn Battûta, voyageur musulman du quatorzième siècle, et qu’il nomma le gunburi.^{<a href="/references/">6</a>}

Ornements de tête, Tekna, Laayoune, Sahara occidental, milieu du XXe siècle. Cheveux en nylon et polypropylène, ambre, corail, coquillages, argent, cornaline et perles de verre, 12,5 x 18 x 2,6 cm. Art Institute of Chicago, fonds d’acquisition Alsdorf Foundation–James and Marilynn Alsdorf, 2009.574. Photographie provenant de l’Art Institute of Chicago/Art Resource, New York

Les Tekna vivent dans la partie nord-occidentale du Sahara et descendent des Imazighen et des Arabes locaux qui immigrèrent dans la région entre le quinzième et le dix-septième siècle. Cette coiffe Tekna est constituée de cheveux synthétiques tressés et cousus, bien qu’à cette époque, les poils de la queue d’un cheval aient été traditionnellement utilisés dans la conception de ces coiffes. Les chevaux, ainsi que le verre, l’argent, le corail, les coquillages et les perles en pierre dure utilisés pour la coiffe rappellent l’époque médiévale, à laquelle ces matériaux de valeur circulaient. Ils illustrent l’impact que l’héritage du passé peut avoir sur le présent.