# UN DÉPLACEMENT AILLEURS DU SAHARA

À la fin du quinzième siècle, la mise en place du commerce de la côte atlantique mena au déclin commercial du désert du Sahara. En effet, la mise en place du commerce avec les Européens depuis la côte atlantique africaine à la fin du quinzième siècle fit disparaître progressivement les intermédiaires essentiels au commerce saharien. Les navires permirent de transporter davantage de biens. L’or, l’ivoire, et d’autres produits essentiels au commerce saharien restèrent d’importantes marchandises, notamment au début du commerce côtier. Cependant, le commerce d’esclaves dominerait bientôt l’économie atlantique.

La création de nouveaux centres de commerce le long de la côte ouest-africaine ralentit le commerce transsaharien sans pour autant y mettre fin. Le commerce aurifère prit la direction du sud et contribua à la création de l’Empire Ashanti (aujourd’hui le Ghana). C’est là-bas que l’héritage du commerce aurifère saharien perdura, notamment avec les systèmes de mesure étalonnés sur le mithqal (4,5 grammes) et utilisés pour peser l’or.

Bol (kuduo), Empire ashanti, rivière Offin, Ghana, XVIe/XVIIIe (?) siècle. Laiton, 15 x 32 cm. British Museum, London, Af1955,05.225. Image © The Trustees of the British Museum. Partagée sous une licence internationale Creative Commons 4.0 (CC BY-NC-SA 4.0) de type Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage dans les mêmes conditions.

Ce bol a été découvert en 1909 lors du dragage de l’or le long de la rivière Offin au sud du Ghana. Sa similarité formelle avec les bols et les bassines mamelouks en laiton, des quatorzième et quinzième siècles, importés dans le désert du Sahara à la fin de l’époque médiévale permet de confirmer que la production des kuduo akan s’inspira des importations provenant du nord-est de l’Afrique.^{<a href="/references/">39</a>}

La coupe du bol et la position du décor à sa surface sont presque identiques aux bols mamelouks gravés d’inscriptions arabes. Cependant, des détails tels que l’utilisation d’une pseudo-écriture (réalisée par un artiste tentant de saisir l’essence formelle de la calligraphie arabe et maîtrisant peu l’arabe) et la représentation stylisée de crocodiles, de poissons et d’habitants de la forêt akan sur deux des huit médaillons présents sur le bol montrent comment des éléments visuels importants ont probablement été réinterprétés par un artiste local.

Pour voir un bol mamelouk, source d’inspiration des kuduo Akan comme celui-ci, [cliquez ici](/fr/tour/long-reach-of-the-sahara/central-sudan/#mamluk-bowl).

Balance, pelle, boîtes et poids pour la mesure de l’or provenant du Ghana et de Côte d’Ivoire, Akan, XVIIIe/fin du XIXe siècle. Alliage de cuivre. Plus petit élément : 0,6 x 12,1 x 0,2 cm. Plus grand élément : 2,5 x 14,9 x 7,3 cm. National Museum of African Art, Smithsonian Institution, Washington, DC, dons de Cynthia E. Gubemick; Mr et Mme Robert Bevill, Mr et Mme Alan Bresler, Mr et Mme Gilbert Shulman, Robert B. Dean, and Benjamin Weiss, 70-20-54, 70-20-81, 75-22-1, 75-22-575, 76-51-7, 80-28-18. Photographie de Franko Khoury, National Museum of African Art, Smithsonian Institution

Lorsque les marchands européens détournèrent leur attention vers la côte atlantique de l’Afrique à la fin du XVe siècle, le commerce aurifère prit également un nouveau tournant. Pour y faire face, de nouveaux états se formèrent dans les régions akanophones d’Afrique et certains aspects du commerce aurifère saharien furent transmis à ce nouveau marché. Par exemple, le système akan de pesée de l’or était étalonné sur le mithqal, une unité de mesure de 4,5 grammes.

L’économie aurifère akan donna lieu à un éventail de nouveaux objets de mesure de l’or : des pelles, des cuillères, des boîtes et notamment des poids en alliage de cuivre de toutes les formes. Certains d’entre eux faisaient même référence à des dessins géométrique du monde musulman saharien.

Gauche : 5 guinées de Jacques II, frappées à Londres, 1685. Or, diamètre 3,5 cm. American Numismatic Society, New York, 1957.172.19. Droite : 1 guinée de Jacques II, 1688, frappée à Londres. Or, diamètre 2,5 cm. Photographie provenant de l’American Numismactic Society, New York, 0000.999.596

Au milieu du dix-septième siècle, les Néerlandais et les Anglais se disputèrent le contrôle du commerce lucratif. À cette époque, les Anglais produisaient des guinées poinçonnées d’un motif composé d’un éléphant et d’un château, sous le buste du roi d’Angleterre, Jacques II. Ce motif était exclusivement poinçonné sur les pièces dont l’or provenait d’Afrique de l’Ouest, acquis par la Royal Africa Company récemment établie et à laquelle le monopole de ce commerce avait été attribué par la monarchie britannique en 1672. Cette iconographie représente l’importance permanente du commerce de l’or et de l’ivoire, même loin des routes du commerce saharien.

Fragments de bijoux et lingots, produits en Afrique du Nord, retrouvés sur le site de Salcombe Cannon, Devon, Angleterre. Or, plus petit fragment : 2 x 1,2 cm; plus grand fragment : 3 x 2,1 cm. The British Museum, Londres, Angleterre, 1999,1207.449, .450, .460, .461, .465, .470, et .474. Photographie © The Trustees of the British Museum. Partagée sous une licence internationale Creative Commons 4.0 (CC BY-NC-SA 4.0) de type Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage dans les mêmes conditions.

En 1992, une épave de navire fut découverte au large de la côte du Devon, en Angleterre. Le navire coula pendant son voyage depuis l’Afrique du Nord jusqu’en Angleterre, au milieu du dix-septième siècle. Il transportait plus de 400 pièces d’or, dont la plupart avaient été frappées au Maroc aux seizième et dix-septième siècles, ainsi que des lingots et des bijoux en or. Majoritairement usés et brisés, ces objets en or étaient destinés à être refondus et transformés. Aujourd’hui, ces objets rares sont une preuve importante de l’exportation de l’or africain en Europe.

Cruche Ashanti (Cruche de Richard II), produite en Angleterre, 1390/99 et découverte dans le Palais Manhyia, Kumasi, région ashanti, Ghana. Alliage de cuivre, 62,3 x 33 cm. The British Museum, Londres, Angleterre, 1896,0727.1. Photographie © The Trustees of the British Museum. Partagée sous une licence internationale Creative Commons 4.0 (CC BY-NC-SA 4.0) de type Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage dans les mêmes conditions.

Cette cruche, produite en Angleterre au quatorzième siècle, fut acquise par les Anglais dans la ville de Kumasi, capitale du royaume ashanti, pendant la guerre anglo-ashanti de 1896. Elle est décorée de motifs héraldiques et d’inscriptions lombardes. Les armoiries royales présentes sur le devant de la cruche font référence aux règnes d’Édouard III et de Richard II, mais les insignes présentes sur le couvercle représentant un cerf indiquent que la cruche fut produite sous le règne de Richard II, plus précisément entre 1390 et 1400.

La cruche aurait voyagé le long des routes du commerce saharien, peu après sa conception, à moins qu’elle n’ait été importée aux Ashantis plus tardivement par le commerce de la côte atlantique.

Cour du mausolée royal ou du palace du Roi Ashanti, où l’on aperçoit la Cruche Ashanti (Cruche de Richard II), vers 1887. Archives nationales du Royaume-Uni, ref. CO1069/31(7). Photographe inconnu